La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurologique complexe qui affecte le système nerveux central. Son diagnostic précoce peut s’avérer délicat, car les symptômes initiaux sont souvent subtils et peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre. Comprendre les signes avant-coureurs et les méthodes de diagnostic est crucial pour une prise en charge rapide et efficace. Cette maladie auto-immune, qui touche principalement les jeunes adultes, nécessite une attention particulière de la part des professionnels de santé et des patients potentiels. Explorons ensemble les éléments clés permettant de détecter et de confirmer la présence de la sclérose en plaques.

Symptômes initiaux de la sclérose en plaques

Les manifestations précoces de la SEP peuvent être trompeuses, car elles sont souvent transitoires et peuvent ressembler à celles d’autres affections neurologiques. Il est essentiel de reconnaître ces signes pour consulter rapidement un neurologue. Les symptômes peuvent apparaître de manière isolée ou combinée, et leur intensité varie d’un individu à l’autre.

Troubles visuels : névrite optique et diplopie

L’un des premiers signes de la SEP est souvent une atteinte visuelle. La névrite optique se caractérise par une baisse soudaine de la vision d’un œil, accompagnée de douleurs lors des mouvements oculaires. Cette inflammation du nerf optique peut entraîner une vision floue, une perte de la perception des couleurs ou même une cécité temporaire. La diplopie, ou vision double, est un autre symptôme visuel fréquent. Elle résulte de l’atteinte des nerfs contrôlant les muscles oculaires.

La plupart des patients atteints de névrite optique récupèrent leur vision en quelques semaines, mais cet épisode peut être le premier signe d’une SEP.

Fatigue chronique et syndrome de uhthoff

La fatigue est un symptôme omniprésent dans la SEP, affectant jusqu’à 80% des patients. Elle se distingue de la fatigue ordinaire par son caractère invalidant et sa persistance malgré le repos. Le syndrome de Uhthoff, spécifique à la SEP, se manifeste par une aggravation temporaire des symptômes neurologiques lors d’une élévation de la température corporelle, que ce soit due à l’effort, à la fièvre ou à un bain chaud.

Paresthésies et dysesthésies des membres

Les troubles sensitifs sont fréquents dans les phases précoces de la SEP. Les paresthésies se traduisent par des sensations anormales telles que des fourmillements, des picotements ou des engourdissements, généralement dans les membres inférieurs ou supérieurs. Les dysesthésies, quant à elles, sont des sensations désagréables ou douloureuses provoquées par des stimuli normalement non douloureux, comme le simple contact d’un vêtement sur la peau.

Examens diagnostiques clés

Le diagnostic de la SEP repose sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques. Aucun test unique ne permet de confirmer avec certitude la présence de la maladie. C’est la combinaison de plusieurs examens qui permet d’établir un diagnostic fiable.

IRM cérébrale et médullaire : lésions démyélinisantes

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen de référence pour visualiser les lésions caractéristiques de la SEP. Ces lésions, appelées plaques, apparaissent comme des zones de démyélinisation dans la substance blanche du cerveau et de la moelle épinière. L’IRM permet non seulement de détecter ces lésions mais aussi d’évaluer leur dissémination dans l’espace et dans le temps, deux critères essentiels pour le diagnostic.

Les séquences IRM spécifiques, telles que les séquences pondérées en T2 et FLAIR, sont particulièrement sensibles pour détecter les plaques de SEP. L’injection de gadolinium permet de mettre en évidence les lésions actives, témoignant d’une inflammation récente.

Ponction lombaire : bandes oligoclonales

La ponction lombaire, bien que moins utilisée qu’auparavant, reste un examen important dans le diagnostic de la SEP. Elle permet d’analyser le liquide céphalo-rachidien (LCR) à la recherche de bandes oligoclonales . Ces bandes, présentes chez plus de 90% des patients atteints de SEP, témoignent d’une production anormale d’anticorps dans le système nerveux central.

La présence de bandes oligoclonales dans le LCR, absentes du sérum, est un marqueur spécifique de la SEP et contribue à renforcer le diagnostic, particulièrement dans les cas atypiques.

Potentiels évoqués visuels et somesthésiques

Les potentiels évoqués sont des tests électrophysiologiques qui mesurent la vitesse de conduction des influx nerveux. Dans la SEP, ces tests peuvent révéler un ralentissement de la conduction nerveuse, même en l’absence de symptômes cliniques. Les potentiels évoqués visuels sont particulièrement utiles pour détecter une atteinte subclinique du nerf optique, tandis que les potentiels évoqués somesthésiques peuvent mettre en évidence des lésions de la moelle épinière.

Critères de McDonald pour le diagnostic de SEP

Les critères de McDonald, établis en 2001 et régulièrement mis à jour, constituent le gold standard pour le diagnostic de la SEP. Ces critères visent à standardiser le processus diagnostique et à permettre une identification précoce de la maladie, tout en minimisant les risques de faux positifs.

Dissémination spatiale des lésions

La dissémination spatiale fait référence à la présence de lésions dans au moins deux zones distinctes du système nerveux central. Selon les critères de McDonald 2017, cette dissémination peut être démontrée par la présence d’au moins une lésion T2 caractéristique dans au moins deux des quatre localisations suivantes : périventriculaire, corticale ou juxtacorticale, infratentorielle et médullaire.

Dissémination temporelle des poussées

La dissémination temporelle vise à démontrer l’apparition de nouvelles lésions ou l’activation de lésions existantes au fil du temps. Elle peut être établie de deux façons : soit par l’apparition d’une nouvelle lésion T2 ou d’une lésion prenant le contraste sur une IRM de suivi, soit par la présence simultanée de lésions rehaussées par le gadolinium et de lésions non rehaussées sur une même IRM.

Exclusion des diagnostics différentiels

Un aspect crucial du diagnostic de SEP est l’exclusion d’autres pathologies pouvant mimer ses symptômes. Cela inclut des maladies inflammatoires comme la neuromyélite optique, des maladies infectieuses, vasculaires ou même certaines tumeurs. Une anamnèse détaillée, un examen clinique approfondi et des examens complémentaires ciblés sont essentiels pour écarter ces diagnostics alternatifs.

Formes cliniques de la sclérose en plaques

La SEP se manifeste sous différentes formes cliniques, chacune ayant ses propres caractéristiques évolutives. La reconnaissance de ces formes est importante pour le pronostic et la prise en charge thérapeutique.

SEP récurrente-rémittente (SEP-RR)

La forme récurrente-rémittente est la plus fréquente, touchant environ 85% des patients au début de la maladie. Elle se caractérise par des poussées clairement définies, suivies de périodes de rémission complète ou partielle. Durant les poussées, de nouveaux symptômes apparaissent ou des symptômes existants s’aggravent, puis s’améliorent spontanément ou avec un traitement.

Les poussées peuvent durer de quelques jours à plusieurs semaines et sont séparées par des périodes de stabilité clinique. La fréquence des poussées est variable, mais tend à diminuer avec le temps.

SEP secondairement progressive (SEP-SP)

Après plusieurs années d’évolution sous forme récurrente-rémittente, environ 50% des patients développent une forme secondairement progressive. Cette transition se caractérise par une aggravation progressive des symptômes, indépendamment des poussées. Les poussées deviennent moins fréquentes, mais le handicap s’accumule de manière continue.

La SEP-SP représente un défi thérapeutique majeur, car les traitements actuels sont moins efficaces sur cette forme de la maladie.

SEP primaire progressive (SEP-PP)

Environ 10 à 15% des patients présentent une forme primaire progressive dès le début de la maladie. Cette forme se caractérise par une aggravation progressive des symptômes dès l’apparition de la maladie, sans poussées distinctes. La SEP-PP touche généralement des patients plus âgés et a tendance à affecter davantage la moelle épinière, entraînant des troubles de la marche précoces.

La distinction entre ces différentes formes cliniques est cruciale pour adapter la prise en charge thérapeutique et le suivi des patients atteints de SEP.

Biomarqueurs émergents pour le diagnostic précoce

La recherche sur la SEP a permis d’identifier de nouveaux biomarqueurs prometteurs pour un diagnostic plus précoce et précis. Ces biomarqueurs pourraient également jouer un rôle dans le suivi de l’évolution de la maladie et la réponse aux traitements.

Neurofilaments légers sériques (sNfL)

Les neurofilaments légers sont des protéines structurelles des neurones, libérées dans le LCR et le sang lors de lésions axonales. Leur dosage dans le sérum ( sNfL ) est devenu un biomarqueur prometteur de l’activité de la maladie et de la progression du handicap dans la SEP. Des taux élevés de sNfL sont associés à une activité inflammatoire accrue et à une évolution plus rapide de la maladie.

L’avantage majeur des sNfL est la possibilité de les mesurer par une simple prise de sang, offrant ainsi un outil de suivi non invasif et répétable.

Anticorps anti-MOG et anti-AQP4

Les anticorps dirigés contre la glycoprotéine oligodendrocytaire de la myéline (MOG) et l’aquaporine-4 (AQP4) sont des biomarqueurs importants pour distinguer la SEP d’autres maladies démyélinisantes du système nerveux central. Bien que ces anticorps soient plus spécifiques de la neuromyélite optique et des troubles du spectre de la neuromyélite optique, leur absence peut aider à conforter le diagnostic de SEP dans certains cas difficiles.

Imagerie par transfert d’aimantation (MTI)

L’imagerie par transfert d’aimantation est une technique d’IRM avancée qui permet d’évaluer l’intégrité de la myéline de manière plus sensible que les séquences conventionnelles. Cette technique peut détecter des anomalies de la substance blanche d’apparence normale, offrant ainsi une fenêtre sur les changements subtils qui précèdent l’apparition de lésions visibles.

La MTI pourrait jouer un rôle important dans la détection précoce de la SEP, avant même l’apparition de lésions visibles sur l’IRM conventionnelle, et dans le suivi de la remyélinisation après traitement.

Biomarqueur Utilité Avantages
sNfL Activité de la maladie, progression du handicap Non invasif, mesurable dans le sang
Anti-MOG/AQP4 Diagnostic différentiel Spécificité pour d’autres maladies démyélinisantes
MTI Détection précoce, suivi de la remyélinisation Sensibilité accrue aux changements subtils de la myéline

En conclusion, le diagnostic de la sclérose en plaques repose sur une approche multidisciplinaire, combinant l’évaluation clinique, l’imagerie cérébrale et médullaire, et des tests biologiques spécifiques. Les critères de McDonald fournissent un cadre standardisé pour établir le diagnostic, tandis que les nouveaux biomarqueurs offrent des perspectives prometteuses pour une détection plus précoce et un suivi plus précis de la maladie. La reconnaissance rapide des symptômes initiaux et l’utilisation judicieuse des outils diagnostiques disponibles sont essentielles pour une prise en charge optimale des patients atteints de SEP.